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Réglage

Des « profiteurs de crise » aggravent-ils l’inflation en France ?

Bakou, 7 novembre, AZERTAC

Avec une inflation à 6,2% relevée par l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) en octobre 2022, la crise inflationniste qui touche la France et la zone euro à plus grande échelle, fait naître de nombreuses interrogations, indique l’agence de presse turque Anadolu.
Alors que les Français ont de plus en plus de mal à boucler leurs fins de mois, nombreux sont ceux à soupçonner des « profiteurs de crise », de gonfler des prix déjà très hauts pour tirer profit de la situation en augmentant leurs marges.

- Dans les rayons, de grandes différences d’un distributeur à l’autre

Les consommateurs sont unanimes quand ils sont interrogés sur le sujet : les prix ont augmenté dans tous les secteurs.
Et ils sont donc nombreux à se tourner vers des enseignes de Hard Discount, pour tenter de réduire autant que possible, la baisse de leur pouvoir d’achat.
Pour Halima, rencontrée par l’Agence Anadolu à la sortie d’un magasin Lidl des Alpes-Maritimes, le constat est sans appel. La mère de famille a décidé de laisser tomber les hypermarchés classiques « qui pratiquent des prix beaucoup trop élevés ».
« J’ai rempli un chariot complet ici pour environ 100 euros alors que lorsque je faisais mes courses dans d’autres enseignes, je dépassais souvent les 150 euros », assure la jeune femme qui précise qu’elle « compare maintenant les prix avant d’acheter ».
Et l’état des lieux dressé, est sensiblement le même pour Maryse et René, un couple de retraités. « On est d’accord pour reconnaître qu’il y a de l’inflation contre laquelle on ne peut rien, mais comment expliquer qu’un même paquet d’œufs, coûte 3 euros chez l’un et 5 euros chez l’autre? », s’interroge le retraité, qui soupçonne « les profiteurs de crise de gonfler la facture des ménages pour gagner plus d’argent ».
Cette question devient effectivement récurrente chez les consommateurs et ce depuis plusieurs semaines.
Le patron des magasins E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, a lui-même lancé l’alerte début octobre.
Dans une interview à BFMTV, il déplorait le fait que « les prix grimpent trop vite par rapport au pouvoir d’achat » mais remettait surtout en question la légitimité de certaines hausses.
« Il faut regarder si ces hausses de prix sont vraiment légitimes », lançait le président du groupe Leclerc, pour qui « il y a trop de hausses de prix par anticipation, et pas assez par justification ».
Prenant pour exemple les prix pratiqués par les fabricants de produits à base de cacao, le dirigeant a largement semé le doute sur certaines pratiques commerciales.
« Quand vous avez des fabricants de produits à base de chocolat cacao qui vous invoquent l’Ukraine pour une augmentation de 15% de tarifs sur de la confiserie, sur des barres chocolatées, je parle de Nestlé, je parle de Mars, il faut quand même pas déconner ! On est sur l’autre continent pour le chocolat et le cacao », grinçait-il.

- Des accusations balayées par l’Exécutif

Dès le début de l’été, le Président français Emmanuel Macron qualifiait de « profiteurs de guerre » les « producteurs (qui) font des superprofits en pétrole et en gaz » à l’heure où « les marchés mondiaux se sont envolés ».
Mais pour autant, concernant les produits alimentaires, le gouvernement se veut très prudent et n’accuse personne.
Dans un entretien paru samedi dans les colonnes du journal Le Parisien, le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, estime qu’il « n’y a pas eu de profiteurs de l’inflation dans l’alimentaire ».
« J’ai demandé à l’Inspection générale des finances (IGF) de faire une étude » et « la conclusion est sans appel (…). Ni les agriculteurs ni les distributeurs, ni l’industrie agroalimentaire n’ont pris au passage de rémunération excessive », a-t-il affirmé.
Selon le patron de Bercy, « la hausse des prix des produits alimentaires résulte de la combinaison de plusieurs facteurs : guerre en Ukraine, reprise post-Covid, réchauffement climatique, crise sanitaire animale et divers facteurs de nature économique ».
Mais pour Michel-Edouard Leclerc, « la moitié des hausses demandées » ne sont « pas transparentes » et qualifiées de « suspectes ».

- L’absence de législation fait craindre les abus

Le 6 juillet dernier, le Parlement européen a voté contre un texte visant à lutter contre la spéculation sur le prix des matières premières alimentaires.
« Nous traversons une crise globale du coût de la vie. Nous devons agir d’urgence pour enrayer la hausse incontrôlable des prix des matières premières et l’inflation galopante. Je déplore le vote d’aujourd’hui. Plus que jamais nous avons besoin de stopper la spéculation sur les denrées alimentaires, qui sont un produit de base nécessaire à notre survie », déplorait le député européen écologiste Claude Gruffat au terme du vote.
Sur son site internet, l’élu estime que « la guerre menée en Ukraine par la Russie, le COVID et les taux d’inflation sans précédent ont eu des effets dévastateurs sur la grande majorité de la population ».
De son côté, le chef de file de la France Insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a largement évoqué la question notamment au cours de la dernière université d’été de son parti.
« Il est temps de taxer les profiteurs de crise qui sont grossièrement enrichis pendant cette période », a-t-il lancé à la tribune en ciblant ceux « qui se sont gavés sur la misère humaine ».
Et même si le gouvernement promet que les producteurs n’ont pas augmenté leurs prix pour accroître leurs marges, il est à noter qu’en octobre dernier, alors que le pays tout entier était frappé par une pénurie de carburants, plusieurs enseignes ont été épinglées pour des hausses de tarifs inexpliquées, dépassant parfois les 3 euros par litre.
La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, avait été contrainte de saisir la DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) pour faire cesser ces pratiques peu scrupuleuses.

- Un nouveau rapport dans six mois

Face aux sceptiques, le ministre de l’Economie appelle à sortir « de la logique du bouc-émissaire » dont il estime qu’elle « ne mène nulle part ».
Selon lui, les producteurs ont même « comprimé leurs marges » et « les prix ont augmenté à cause de l’inflation sur le prix des matières premières ».
Néanmoins, le rapport sur lequel il s’appuie, étant daté de juillet, il promet « un nouveau rapport d’ici six mois » pour faire la lumière sur la situation actuelle.
« Je comprends très bien qu’il y en ait qui me disent (…) juillet c’est pas octobre et c’est en octobre que les prix de l’alimentation ont le plus augmenté », a-t-il déclaré lundi matin à l’antenne de BFMTV.
Il tient par ce biais à « faire la transparence et s’assurer que personne n’empoche des choses au passage ».
« Il y a une vraie fragilité économique de beaucoup de ménages dans notre pays, de certaines familles et de gens qui ont beaucoup de mal à nourrir leurs enfants et c’est parfaitement légitime qu’ils me demandent des comptes » et « qu’on leur garantisse que tout le monde est solidaire », a-t-il enfin reconnu.

Monde 2022-11-07 22:21:00