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Réglage

Karim Benzema remporte le Ballon d’Or 2022

Bakou, 18 octobre, AZERTAC

Une image, un symbole. Zinédine Zidane, meilleur joueur de football français de tous les temps et Ballon d’or en 1998, qui lançait lundi à 21h55, arborant son timide sourire habituel : « C’est pour toi Karim Benzema », avant de remettre le prestigieux trophée, en tapant chaleureusement sur le dos de son récipiendaire, son « compatriote » et poulain qu’il avait entraîné chez les Merengue, Karim Benzema, selon l’agence de presse Anadolu.
Une scène d’une « passation » décalée, abritée par l’enceinte du Théâtre du Châtelet à Paris, où le prix décerné par le magazine « France Football » a été remis à un Benzema ému et qui a reçu son trophée des mains de son idole, « mentor » et entraineur pendant plusieurs saisons à la « Casa Blanca ».
Deux immenses joueurs, qui, à l’instar de deux autres tricolores, Michel Platini et Raymond Kopaszewski, vainqueurs du Ballon d’or, sont d’origine étrangère (algérienne le cas échéant); le maître Zidane, qui a grandi à la Castellane de la cité phocéenne, et le prodige Benzema, qui a fait ses premiers pas dans les rangs du Sporting de Bron-Terraillon en banlieue lyonnaise.
En plus de leurs origines qu’ils revendiquent, Karim et Zinédine ont chacun remporté le Ballon d’or et évolué dans les rangs du Real Madrid, mais les similitudes entre les deux hommes s’arrêtent là et les deux joueurs ont connu des fortunes diverses en termes, notamment, de traitement qui leur a été accordé par l’establishment footballistique français ainsi que par l’intelligentsia médiatique et les bien-pensants du ballon rond dans l’Hexagone.
Autant Zidane était adulé, et choisi comme étant la personnalité préférée des Français, autant Benzema fût attaqué, critiqué, vilipendé, très souvent à tort, par une grande partie des médias qui alimentaient les polémiques et attisaient les manipulations et autres instrumentalisations.
Le crachat lors de la Marseillaise après les attentats du Bataclan en 2015, l’affaire Zahia en 2010, de laquelle il sera complètement blanchi en 2014, l’affaire de la sextape et sa mise à l’écart de l’équipe de France, tel est un florilège d’épisodes, tous extra-sportifs, qui ont empoisonné et émaillé la relation de Benzema avec « une partie » de la France.
Il faut dire que Benzema n’était pas en reste. Celui qui cultivait le secret sur sa vie privée, se contenant de proclamer la solidarité d’un clan familial soudé, lui, le septième d’une fratrie de neuf enfants, ce discret voire taiseux personnage, répondait, parfois du tac au tac, exploitant, à son tour, à bon escient les réseaux sociaux et les médias espagnols.
Benzema, cet attaquant emblématique du Real Madrid, le plus grand club au monde, fort de cette aura, réagissait donc vertement pour se défendre et afficher son ras-le-bol des polémiques, comme dans l’affaire du crachat alors que la Marseillaise était entonnée, mais surtout pour accuser le basque Didier Deschamps, sélectionneur des Bleus depuis 2012, et son compère Noel Le Graet, l’inamovible patron de la FTF (depuis 2011), d’avoir cédé à « une partie raciste de la France ».
Cela dénote une relation conflictuelle entre une « certaine France » et un joueur prodige qui avait déjà revendiqué, alors qu’il n’avait que 19 ans, et avant donc de devenir l’immense attaquant qu’il est aujourd’hui, que « L’Algérie, c’est le pays de mes parents, c’est dans le cœur », lançant, avec espièglerie, face à des médias médusés et aigris, que « je serai toujours présent pour l’équipe de France. C’est plus pour le côté sportif, parce que l’Algérie c’est mon pays, voilà mes parents viennent de là-bas. Après la France, c’est plus sportif, voilà ».
Et voilà, donc, le décor est planté depuis les premières années de la carrière chez les pros de ce « gamin » natif de Lyon.
Le joueur qui a goûté au Saint-Graal du football à l’âge de 34 ans, a illustré ce lien antagonique en indiquant, après son sacre, que « J'ai eu des moments difficiles dont cette période où je n'étais pas en sélection. Je n'ai pas lâché et j'ai travaillé en gardant la joie de jouer au foot avec mon coach (Zidane). Je n'ai rien lâché. Ces périodes difficiles m'ont renforcé mentalement ».
Ce personnage, qui tout en haussant le ton sans jamais hausser la voix, a tenu, en bon Gavroche, ce gamin des rues, à dédier « au Peuple » son sacre, dans une déclaration faite après l’annonce de sa victoire; laquelle déclaration fera date et restera gravée dans les annales, tellement le sens de la formule était approprié.
Benzema s’est présenté comme un enfant sur un rectangle vert qui joue pour les gens, « qui sont fiers de moi », ne cherchant pas « à plaire à untel ou à untel », taclant finement au passage certains joueurs sans les nommer.
L’on constate ainsi que, celui qui a succédé à Léo Messi au palmarès du Ballon d’or en tant que cinquième français et huitième madrilène à avoir remporté ce trophée, est parvenu à prendre sa revanche, non pas sur le sort mais sur ses nombreux détracteurs qui avantageaient et soutenaient des joueurs moins lotis que lui.
La victoire de Karim le « généreux » (ndlr, signification du prénom en arabe) est une victoire du labeur, du travail, de la persévérance mais aussi du talent et du mérite.
Celui qui a eu droit à sa traversée de désert, celui qui, au sein du Real Madrid, où il évolue depuis 14 ans, a eu l’intelligence et a dû rester dans l’ombre de Cristiano Ronaldo, quintuple Ballon d’or, celui qui a résisté à la concurrence de l’albicéleste Gonzalo Higuaín, celui qui a fait face aux vents et marées, a su attendre patiemment son heure pour signer son come-back et réaliser sa résurrection à un âge assez avancé pour le sport de haut niveau.
Cette résurrection inattendue, notamment après le départ de Cristiano Ronaldo vers la Juventus, a surpris plus d’un mais pas ceux qui connaissent la ténacité et la témérité d’un Benzema qui a inscrit son nom à jamais dans le Panthéon de la planète football en s’installant sur le toit du monde.



 

Sport 2022-10-18 13:08:00