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La réponse de l’Ambassadeur de l’Azerbaïdjan auprès du Conseil de l’Europe au journal «L’Humanité »

Paris, 14 octobre, AZƏRTAC

L’Ambassadeur Fakhraddin Ismayilov, représentant permanent de la République d’Azerbaïdjan auprès du Conseil de l’Europe, a répondu aux questions du journal L’Humanité sur le conflit du Haut-Karabagh.
À quelles conditions vos pays sont-ils prêts à reprendre les négociations ?
FAKHRADDIN ISMAYILOV(AZERBAÏDJAN) Il faut d’abord rappeler que depuis 1992, des négociations sont menées entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide du groupe de Minsk de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et que pendant toutes ces années, l’Azerbaïdjan a coopéré de bonne foi avec le groupe de Minsk pour faire cesser l’occupation arménienne et restaurer la paix dans notre région. Mais le résultat est lamentable : 28 ans de pourparlers sans résultat tangible. L’Arménie a délibérément suivi une stratégie unique : retarder le règlement pacifique, maintenir le statu quo, consolider l’occupation des territoires azerbaïdjanais et obtenir une sorte de légitimité pour une entité illégale créée sur ses terres. Nous souhaitons des pourparlers qui traitent des questions précises et concrètes afin d’obtenir une solution durable conformément aux normes et principes du droit international, tout particulièrement l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. L’Arménie peut arrêter à tout moment les hostilités en retirant ses forces militaires des territoires internationalement reconnus de l’Azerbaïdjan. Nous n’avons aucune revendication sur les territoires arméniens. Le 10 octobre, après de longues tractations sous la médiation russe, les ministres des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie sont tombés d’accord pour annoncer une trêve humanitaire. Dès le début de la trêve, l’Arménie n’a pas respecté ses termes, tout particulièrement en bombardant Gandja, la deuxième ville d’Azerbaïdjan, le 11 octobre, faisant 9 morts et 34 blessés. Malheureusement, l’Arménie ne semble pas avoir d’intention sérieuse de négocier de bonne foi avec l’Azerbaïdjan, et je ne vois pas comment nous pouvons relancer ces négociations.
Sur la base de quelles résolutions internationales s’appuient l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour faire valoir leurs positions ?
FAKHRADDIN ISMAYILOV (AZERBAÏDJAN) Dans la foulée de l’occupation des territoires azerbaïdjanais, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté 4 résolutions en 1993 (822, 853, 874, 884). Dans ces résolutions, il a exigé le retrait immédiat, inconditionnel et complet de tous les territoires de l’Azerbaïdjan occupés. Il est important de noter que dans ces documents, le Conseil de sécurité a explicitement évoqué « le conflit dans et autour de la région du Haut-Karabakh de la République d’Azerbaïdjan », tout en réaffirmant « la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République d’Azerbaïdjan ». Ces documents représentent la position de la plus haute instance internationale et ils doivent être respectés. Certains médias présentent à tort la région du Haut-Karabakh comme un « territoire contesté ». Sans essayer de vous donner une liste exhaustive des résolutions concernant le conflit du Haut-Karabakh, je souhaite simplement souligner qu’elles vont toutes dans la même direction et demandent un strict respect du droit international dans la résolution du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Quels sont les éléments déclencheurs qui ont transformé la crise du Haut-Karabakh en guerre ouverte ?
FAKHRADDIN ISMAYILOV ( AZERBAÏDJAN ). Le conflit du Haut-Karabakh qui a commencé dans les années 1987-1988 suite aux revendications territoriales de l’Arménie sur l’Azerbaïdjan, a déjà connu des embrasements récurrents auparavant. Mais l’ampleur et l’intensité des confrontations des dernières semaines sont sans précédent depuis 1994. La principale raison des hostilités actuelles est l’occupation illégale de la région du Haut-Karabakh et de ses sept districts par l’Arménie au cours des 30 dernières années, ce qui a entraîné le déplacement forcé d’environ un million d’Azerbaïdjanais. Le cœur du problème est que l’Arménie n’a jamais été tenue pour responsable de l’occupation continue des territoires de l’Azerbaïdjan. Encouragé par son impunité, et l’indifférence de la communauté internationale, le gouvernement arménien n’a pas cessé de commettre des provocations. En août 2019, le Premier ministre arménien a fait une déclaration publique dans les territoires azerbaïdjanais occupés, je cite : « Le Haut-Karabakh, c’est l’Arménie, point final ». Puis, entre le 12 et le 16 juillet 2020, le district azerbaïdjanais de Tovuz a subi des attaques d’artillerie depuis le territoire arménien. Récemment, il a été annoncé que la capitale de la soi disant « République du Haut-Karabakh » serait transférée dans la ville de Shusha, considérée comme l’une des berceaux culturels et historiques de la nation azerbaïdjanaise. C’est dans ce contexte, qu’à la suite d’un acte d’agression de l’Arménie le 27 septembre, les forces armées de l’Azerbaïdjan ont lancé des opérations de contre-offensive à l’intérieur de ses frontières, pour assurer la sécurité de sa population et restaurer la souveraineté sur ses terres occupées. La question qui se pose, c’est de savoir ce que font les soldats arméniens sur ces terres.
Comment évaluez-vous actuellement les conséquences de cette guerre sur les populations civiles ?
FAKHRADDIN ISMAYILOV ( AZERBAÏDJAN ). En Azerbaïdjan, malheureusement, la population civile subit sans cesse des feux d’artillerie des forces armées d’Arménie depuis le déclenchement des hostilités. Même la trêve humanitaire convenue le jour précédent, n’a pas empêché l’Arménie d’envoyer des missiles sur la deuxième ville d’Azerbaïdjan, Gandja, au milieu de la nuit le 11 octobre, causant le décès de neuf résidents et en blessant 34 autres. Depuis le 27 septembre, en plus de Gandja, situé 60 km du théâtre des affrontements, les forces armées de l’Arménie ont infligé des tirs d'artillerie et de roquettes sur des zones résidentielles de la ville de Mingatchévir, ainsi que sur de nombreuses autres régions azerbaïdjanaises, en utilisant des tirs d'artillerie et de roquettes. A la date du 11 octobre, au total 41 civils, dont des enfants et des personnes âgées, ont été tués, 205 autres blessés, plus de 1165 maisons et installations civiles ont été gravement endommagées par les bombardements. Ces actes sont clairement des crimes de guerre qui devraient être condamnés par la communauté internationale. Souvent l'Arménie bombarde délibérément à partir de ses territoires pour déclencher des représailles de l'Azerbaïdjan, afin qu'elle puisse faire appel à l'Organisation du Traité de Sécurité Collective et élargir l'ampleur et la zone des hostilités. Je tiens à souligner qu’agissant dans le cadre de son droit de légitime défense, les forces armées azerbaïdjanaises sont pleinement et résolument attachées au droit international humanitaire. Nous n’avons aucun problème avec le peuple arménien et nous considérons les habitants des territoires occupés comme nos citoyens avec lesquels nous espérons vivre ensemble en paix après le conflit.
Quelle rôle joue la Turquie dans le conflit actuel du Haut-Karabakh ?
FAKHRADDIN ISMAYILOV (AZERBAÏDJAN). Pour des raisons historiques et culturelles, la Turquie est un allié stratégique de l’Azerbaïdjan et elle apporte son soutien diplomatique et moral à notre pays. Mais la Turquie n’est pas impliquée dans les affrontements armés et nous avons fortement rejeté les allégations affirmant le contraire. Il n’existe non plus aucun fait établi pour prouver l’allégation selon laquelle la Turquie avait déployé des « combattants de Syrie » en Azerbaïdjan.
Les soi-disant « preuves » consistent uniquement en des entretiens ridicules avec des personnes fictives. L’Azerbaïdjan possède une armée bien entraînée et équipée, elle n’a pas besoin de l’aide des « combattants de Syrie ». En général, il est vraiment regrettable d’observer une couverture tendancieuse de l’Arménie dans les médias français. En plus d’allégations concernant la Turquie, je suis consterné de voir des tentatives de dépeindre le conflit du Haut-Karabakh comme une confrontation entre « l’Arménie chrétienne » et « l’Azerbaïdjan musulmane », ou bien comme un « choc des civilisations ». C’est absolument infondé. L’Azerbaïdjan est un pays multiconfessionnel et multiethnique, fortement attaché aux valeurs républicaines de laïcité. Et sur ce point, l’Azerbaïdjan est beaucoup plus proche de la France que notre voisin l’Arménie. Ce conflit n’a aucun contexte religieux.
A quelles conditions l’Arménie et l’Azerbaïdjan sont-ils prêts à reprendre les négociations comme de nombreuses instances internationales le demandent ?
FAKHRADDIN ISMAYILOV ( AZERBAÏDJAN ). Il faut d’abord rappeler que depuis 1992, des négociations sont menées entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide du groupe de Minsk de l’OSCE et que pendant toutes ces années, l’Azerbaïdjan a coopéré de bonne foi avec le groupe de Minsk pour faire cesser l’occupation arménienne et restaurer la paix dans notre région. Mais le résultat est lamentable : 28 ans de pourparlers sans résultat tangible. L’Arménie a délibérément suivi une stratégie unique : retarder le règlement pacifique, maintenir le statu quo, consolider l’occupation des territoires azerbaïdjanais et obtenir une sorte de légitimité pour une entité illégale créée sur ses terres. Nous souhaitons des pourparlers qui traitent des questions précises et concrètes afin d’obtenir une solution durable conformément aux normes et principes du droit international, tout particulièrement l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan. L’Arménie peut arrêter à tout moment les hostilités en retirant ses forces militaires des territoires internationalement reconnus de l’Azerbaïdjan. Nous n’avons aucune revendication sur les territoires arméniens. Le 10 octobre, après de longues tractations sous la médiation russe, les ministres des Affaires étrangères de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie sont tombés d’accord pour annoncer une trêve humanitaire. Dès le début de la trêve, l’Arménie n’a pas respecté ses termes, tout particulièrement en bombardant Gandja, la deuxième ville d’Azerbaïdjan. Malheureusement, l’Arménie ne semble pas avoir d’intention sérieuse de négocier de bonne foi avec l’Azerbaïdjan, et en l’absence d’une intention honnête face à nous, je ne vois pas comment nous pouvons relancer ces négociations.
Sur la base de quelles résolutions internationales s’appuient l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour faire valoir leurs positions ?
FAKHRADDIN ISMAYILOV ( AZERBAÏDJAN ). Dans la foulée de l’occupation des territoires azerbaïdjanais, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté 4 résolutions en 1993 ( 822, 853, 874, 884 ). Dans ces résolutions, il a exigé le retrait immédiat, inconditionnel et complet de tous les territoires de l’Azerbaïdjan occupés. Il est important de noter en plus que dans ces documents, le Conseil de sécurité a explicitement évoqué « le conflit dans et autour de la région du Haut-Karabakh de la République d’Azerbaïdjan », tout en réaffirmant « la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République d’Azerbaïdjan ». Ces documents représentent la position de la plus haute instance internationale, et ils doivent être respectés. Certains médias présentent à tort la région du Haut-Karabakh comme un « territoire contesté ». Sans essayer de vous donner une liste exhaustive des résolutions concernant le conflit du Haut-Karabakh, je souhaite simplement souligner qu’elles vont toutes dans la même direction et demandent un strict respect du droit international dans la résolution du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
Le Groupe de Minsk composé de la France, la Russie et les Etats-Unis, est-il encore d’actualité pour mener les négociations ?
FAKHRADDIN ISMAYILOV ( AZERBAÏDJAN ). Actuellement, le Groupe de Minsk reste le seul cadre international accepté pour mener les négociations entre les deux pays. C’est vrai que dernièrement, l’Arménie a tenté de changer le format des négociations en demandant à l’Azerbaïdjan de parler directement à l’entité fantoche illégale qu’elle a créée sur les territoires occupés de notre pays, et Erevan a même commencé à remettre en question l’existence de tout document sur la table des négociations. Mais l’annonce d’un cessez-le-feu humanitaire convenu le 10 octobre à Moscou, précise bien que l’Azerbaïdjan et l’Arménie vont poursuivre des pourparlers sous la médiation des coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE, et le format du processus de négociation doit rester inchangé. Maintenant, il faudra voir si le Groupe de Minsk arrive finalement à conduire ces négociations qui durent depuis 28 ans, à des résultats tangibles et à une paix durable entre les deux pays.
Le Conseil de l’Europe peut-il jouer un rôle dans le règlement du conflit ?
FAKHRADDIN ISMAYILOV ( AZERBAÏDJAN ). Lors de son adhésion au Conseil de l'Europe, aux côtés de l'Azerbaïdjan, l'Arménie s'est engagée à régler ce conflit par des négociations. L'année prochaine, nous marquerons le 20ème anniversaire de notre adhésion à cette organisation et, sur cet engagement, l'Arménie a complètement échoué. Dans sa Résolution 1416 (2005) sur « Le conflit du Haut-Karabakh traité par la Conférence de Minsk de l’OSCE », l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a rappelé à juste titre que l’occupation d’un territoire étranger par un Etat membre constitue une grave violation des obligations qui incombent à cet Etat en sa qualité de membre du Conseil de l’Europe, et a réaffirmé le droit des personnes déplacées de la zone du conflit de retourner dans leur foyer dans la sécurité et la dignité. Et plus récemment, dans son arrêt de 2015 dans l'affaire Chiragov et autres contre l'Arménie, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu le contrôle effectif de l'Arménie sur les territoires occupés de l'Azerbaïdjan, et même après cet arrêt, l'Arménie continue à rejeter sa responsabilité pour les violations des droits de l’homme des civils azerbaïdjanais déterminées par la Cour, sans en subir des conséquences. Finalement, le 29 septembre 2020, en réponse à une demande déposée par le gouvernement arménien, la Cour européenne des droits de l'homme a adopté une décision conformément à l’article 39 son règlement. Dans sa décision, la Cour européenne a appelé l'Arménie et l'Azerbaïdjan à s'abstenir de prendre des mesures qui pourraient entraîner des violations des droits de la population civile découlant de la Convention. En citant tous ces documents du Conseil de l’Europe, mon objectif est de souligner que l’organisation ne peut pas faire fi de ce conflit opposant ses deux Etats membres. Ella a une obligation de contribuer activement à la solution pacifique de ce conflit. Par exemple, le Conseil de l’Europe a tous les moyens de faire comprendre à l’Arménie qu’elle doit respecter le droit international et l’intégrité territoriale de tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, y compris celle de l’Azerbaïdjan.

 

Politique 2020-10-14 19:20:00